Interactions entre mouvements sociaux, démocratie et partis politiques en Espagne. Analyse de séquences filmiques de la “courroie de transmission” entre mouvements sociaux et institutions municipales à Cordoue et ses limites
Leila Tazir  1, *@  
1 : Centre Pierre Naville  (CPN)  -  Site web
Evry Paris Saclay University
UFR de Sciences de l'Homme et de la Société 2 rue du Facteur Cheval 91000 Evry -  France
* : Auteur correspondant

Nous verrons par l'image quelles sont les interactions entre mouvements sociaux et institutions publiques, plus particulièrement à Cordoue avec la liste municipaliste "Ganemos Cordoba", dans le sud de l'Espagne. Les activistes du mouvement du 15M sont devenus acteurs de la politique institutionnelle, ils tentent d'incarner une "courroie de transmission" des mouvements sociaux locaux vers les choix politiques publics et municipaux.
 

Photographies 1 et 2 : Vicky López et Rafael Blázquez au sein de leur bureau municipal pour la liste Ganemos Córdoba.

Rafael Blázquez et Vicky López sont conseillers municipaux de la liste électorale “Ganemos Córdoba”, formation politique inspirée du municipalisme et plus particulièrement de l'initiative catalane “des mairies pour le changement” en Espagne. A l'instar de la mairesse barcelonaise Ada Colau, ils sont novices en politique institutionnelle mais très expérimentés dans l'animation et l'organisation d'action collective. Ils ont une longue carrière d'activiste dans de nombreux mouvements sociaux et parlent du mouvement du 15M comme d'un tournant dans l'histoire de l'action sociale espagnole. Les trajectoires de vie de ces acteurs montrent à quel point les interactions entre catégories juridiques, institutionnelles et sociales sont essentielles pour comprendre et analyser les rapports sociaux, les schématiser afin de les rendre intelligible et permettre une compréhension plus cohérente et pertinente du réel.
 

Captures d'écran d'une vidéo retraçant les premières heures de l'occupation du parvis de la banque Santander par le collectif Stop Desahucios 15M Córdoba le 22 juin 2018. On y retrouve notamment Rafael Blázquez pour protester contre l'expulsion des Cordouans de leurs logements, la mise sous hypothèque de leurs résidence, etc.

Comment ces acteurs du municipalisme se mettent en scène socialement et communiquent audio-visuellement? Comment entendent-ils incarner la “courroie de transmission” entre mouvements sociaux et institutions publiques municipales, et avec quelles limites? Que racontent les séquences filmiques de ces mêmes acteurs dans différents espaces et en contact avec différentes catégories sociales, par exemple si l'on compare l'assemblée plénière municipale à la manifestation dans la rue ?

Dans le cadre des mouvements sociaux, la schématisation par la classe sociale des activistes doit s'enrichir d'autres catégorisations et intersections comme la propension à posséder différents degrés de capitaux et de valeurs transmises et/ou construites dans le temps (capital social, symbolique, scolaire, économique, culturel), le genre, l'appartenance multi-culturelle, l'ethnicité, la disponibilité en temps “social”, etc. En effet, les mouvements sociaux de la dernière décennie ne se définissent plus tant par leur commune classe sociale (même si la conscience de classe et de domination reste sous-jacente au discours militant), mais plutôt par leur volonté d'inclusion de la majorité citoyenne et populaire face à ce qu'ils nomment “l'oligarchie”, la “caste”, “ceux d'en haut” contre “la majorité d'en bas”, etc.

Filmer un mouvement social signifie filmer un collectif d'individus unis par un motif d'indignation conjoncturel qui organisent des moyens de luttes et d'action sociale dans le but de changer cette situation. Au-delà, il s'agit ici de dévoiler les rapports des acteurs des mouvements sociaux avec d'autres entités, notamment ici les partis et listes électorales municipalistes, qui prétendent incarner des courroies de transmission entre mouvements sociaux et institutions. Par l'image, nous montrerons par exemple comment Rafael et Vicky de Ganemos Córdoba invitent le collectif “Stop Desahucios 15M Córdoba” à prendre la parole et proposer des solutions face à la pauvreté résidentielle et énergétique des Cordouans.

Le 11 octobre 2018, lors de l'assemblée plénière de la mairie de Cordoue, un des membres du collectif Stop Desahucios 15M Córdoba prend la parole pour défendre des mesures concrètes qui mettent fin à la bulle de la location, comme l'approbation de la loi sur le logement de la PAH permettant de freiner les expulsions, ou encore la création d'une entreprise publique indépendante permettant de lutter contre la pauvreté énergétique (notamment l'accès à l'eau et à l'électricité). Le groupe Ganemos Córdoba, à gauche de l'assemblée soutient la proposition.




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