De la nécessité de documenter la culture punk contre l'image et par l'image
Vincent Delbos  1, *@  
1 : Centre Pierre Naville  (CPN)  -  Site web
Université d'Évry-Val-d'Essonne
UFR de Sciences de l\'Homme et de la Société 2 rue du Facteur Cheval 91000 EVRY -  France
* : Auteur correspondant

Définir un objet par l'image, nécessairement par l'image, en déconstruisant les images préétablies qu'il suscitait au préalable et en rendant visible un espace social : telle fut l'expérience de sociologie visuelle qui a été menée entre 2013 et 2017 avec le film Temps Plein, dédié à la scène musicale dite punk.

Définir un objet par l'image, nécessairement par l'image, en déconstruisant les images préétablies qu'il suscitait au préalable : telle fut l'expérience qui a été menée entre 2013 et 2017 avec le film Temps Plein, dédié à la scène musicale dite punk. Cette communication se base sur un comparatif entre les premières impressions (relevées et enregistrées lors du travail d'observation participante qui a précédé le tournage) et les résultats obtenus avec le film achevé. Ces premières impressions mettaient en évidence une distorsion importante entre des points de vue endogènes et exogènes, soit entre les enregistrements pris sur le terrain et l'image que pouvait suggérer la scène punk auprès des néophytes. Une image en particulier semble avoir condensé « l'essence punk » et imprégné l'imaginaire collectif : l'iroquois. Systématiquement et spontanément évoqué en dehors des milieux concernés, au point d'occulter toute autre caractéristique, l'image de l'iroquois est devenue le signe par lequel commence et se termine le mythe punk. En conséquence, ne pas voir d'individu affublé d'iroquois dans l'espace public signifie de facto, toujours d'après ces témoignages, que le punk n'a pas survécu à la fin des années 70. Ces stéréotypes se retrouvent sur les espaces virtuels, ce qui peut être facilement observé en tapant le mot « punk » dans un moteur de recherche d'images. Une représentation de l'iroquois y apparaît presque systématiquement. Pourtant, cette large proportion s'inverse sur des enregistrements de terrain, car non contente de ne pas avoir disparu avec les années 70, en dépit des prophéties du « no future », la scène punk a prospéré. Elle s'est développée en une variété d'esthétiques et de pratiques variées, formellement identifiée et documentées, notamment en France par les travaux universitaires du sociologue Fabien Hein. De même, les individus croisés sur le terrain revêtent des origines et des parcours sociaux hétérogènes, ce qui n'empêche pas de constater des effets de surreprésentation. Voilà pourquoi documenter la scène punk revient à faire un travail de déconstruction et de reconstruction de l'image, par l'image. L'expérience menée avec le film Temps Plein entend opérer ce travail en rendant visible le dénominateur commun qui caractérise cet « espace autre » et ses occurrences dans sa complexité.


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