Par auteur > Têtu-Delage Marie-Thérèse

Les annotations vidéos pour une autre approche des images et de l'analyse filmique
Marie-Thérèse Têtu-Delage  1, *@  
1 : Centre Max Weber  (CMW)  -  Site web
Université Jean Monnet - Saint-Etienne, École Normale Supérieure (ENS) - Lyon, CNRS : UMR5283, Université Lumière - Lyon II
* : Auteur correspondant

Dans l'objectif de travailler sur les représentations du colonialisme dans les films archivés à la cinémathèque de Saint-Etienne, dans le cadre de nos recherches et d'un enseignement en master sur les outils de l'enquête, nous avons expérimenté Advene un logiciel d'annotations vidéos avec les chercheurs en informatique, qui l'ont conçu et développé, pour l'adapter à nos usages.

L'hypothèse, inspirée du « spectateur émancipé » de Jacques Rancière, consistait à faire de chacun le propre maître de son apprentissage, l'inventeur de sa méthode d'analyse filmique. Un spectateur qui serait en même temps acteur de sa vision, maître des conditions de son savoir, capable de livrer sa propre lecture du film et de produire un montage interprétatif de textes et d'images par un ou plusieurs bouts à bouts.

Les objectifs à la fois pédagogiques et de recherche que l'on a choisi de poursuivre avec ce logiciel sont de trois ordres : une écrilecture des images (pour reprendre les travaux sur la lecture comme activité de De Certeau et le concept d'écrilecture forgé par Pedro Barbosa), comment devenir des spectateurs émancipés (au sens de J. Rancière), comment enquêter sur et avec les images. L'intention étant à chaque fois de dépasser les dualités et leurs oppositions telles que lire/écrire, spectateur/acteur, producteur/consommateur d'images, sur/avec les images mais aussi monter/démonter, classer/déclasser.

Advene à la manière d'un banc de montage, propose plusieurs lignes qui permettent en isolant ou sélectionnant des séquences, en posant des commentaires, en rédigeant des résumés ou encore en dessinant des formes sur les images de chapitrer le ou les films, de choisir des axes de lecture thématiques, de procéder à des analyses d'images, de textes, de voix off ou de sons, d'ajouter des liens vers des ressources externes. À partir de ce matériau descriptif, un travail d'interprétation et de synthèse permet de mettre en parallèle, de créer des liens ou de comparer les éléments repérés dans un ou plusieurs films pour formuler des hypothèses de lecture qui peuvent être visualisées sous forme de nouveaux montages visuels et sonores ainsi que de pages web.

Ce travail d'annotation d'un même corpus de films est en même temps un processus d'écriture collective, le travail de chaque groupe venant nourrir un questionnement plus général dans notre cas sur les représentations coloniales et du colonialisme ainsi que sur leurs enjeux. On peut alors comparer et discuter les différentes façons dont des intuitions premières après la vision d'un film ont été traduites en hypothèses de lecture, et dans quelle mesure ce travail de confrontation de ces hypothèses à l'exercice de description argumentée et critique du film se trouve validé.

Nous avons donc utilisé Advene d'abord comme un outil d'enquête et de formation à la recherche par la recherche. Mais c'est également un outil d'apprentissage de lecture d'images et de formation de spectateurs émancipés qui n'est pas réservé qu'à la recherche et aux universités et qui pourrait prendre place dans les cinémathèques et leurs activités.

 

Références bibliographiques :

- Rancière J. (2008), Le spectateur émancipé, Paris : La Fabrique Editions.

- De Certeau M. (1980), L'invention du quotidien. 1. Arts de faire, Paris : Gallimard.

- Bourgatte M., Tessier L. (2017), « Les outils d'annotation vidéo pour la recherche », in Cavalié E., Clavert F., Legendre O., Martin D. (eds), Expérimenter les humanités numériques. Des outils individuels aux projets collectifs, Montréal : Les Presses de l'Université de Montréal, p. 19-35.

- Barbosa P. (1992), Metamorfoses do real. Criaçâo literaria et computador, Lisbonne : Universidade nova de Lisboa.
- Didi-Huberman G. (2009), Quand les images prennent position. L'oeil de l'histoire 1, Paris : Les Editions de Minuit.


Personnes connectées : 44